Je t’écris

Je t’écris pour te dire que je t’aime

que mon cœur qui voyage tous les jours

— le cœur parti dans la dernière neige

le cœur parti dans les yeux qui passent

le cœur parti dans les ciels d’hypnose —

revient le soir comme une bête atteinte

 

Qu’es-tu devenue toi comme hier

moi j’ai noir éclaté dans la tête

j’ai froid dans la main

j’ai l’ennui comme un disque rengaine

j’ai peur d’aller seul de disparaître demain

sans ta vague à mon corps

sans ta voix de mousse humide

c’est ma vie que j’ai mal et ton absence

 

Le temps saigne

quand donc aurai-je de tes nouvelles

je t’écris pour te dire que je t’aime

que tout finira dans tes bras amarré

que je t’attends dans la saison de nous deux

qu’un jour mon cœur s’est perdu dans sa peine

que sans toi il ne reviendra plus

Le sentiment de dépossession en l’absence de l’être aimé.

1. Le poème s’adresse à une personne absente. Quels mots nous font sentir la solitude du narrateur ?

 

2. D’un point de vue formel, la première strophe est écrite en décasyllabes, mais les deux autres strophes contiennent des vers de longueur variée s’approchant parfois du décasyllabe. Est-ce que ce changement formel est lié à un changement de ton ? Quelles émotions sont exprimées dans la première strophe ? Et dans la deuxième ?

 

3. Certains vers s’éloignent de la syntaxe conventionnelle. Pouvez-vous en trouver un ou deux exemples ? Qu’est-ce que cela vous fait sentir ?

 

4. Tentez une récitation : quelle émotion vous domine ? La tristesse ? L’espoir ? Lisez le texte à haute voix en variant votre rythme et les arrêts à chaque lecture pour trouver la cadence qui vous convient le mieux. 

 

5. En vous adressant à quelqu’un qui vous manque, tentez d’écrire sur un enjeu actuel. L’identité se décline en de nombreuses formes et le sentiment de dépossession de Miron peut se rattacher à une foule de situations.

 

Liens :

L’interprétation un peu country du poème par le conteur et chanteur Michel Faubert jette un autre regard sur le poème : 

 

 

L’ONF offre un long métrage de la nuit de la poésie de 1970, où étaient présents Gérald Godin, Gaston Miron, Claude Gauvreau, Raôul Duguay et Nicole Brossard. Gaston Miron récite à 35:05. 

 

Section « Pour aller plus loin » rédigée par
Référence bibliographique

Miron, Gaston, « Je t’écris », L’homme rapaillé, Montréal, L’Hexagone (Typo), 1998.

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